Un passeport pour le monde
Correspondance photographique réalisée entre le 29 mars et le 11 mai 2020.
François Bachelard – Bernard Fontaine – Novembre 2020
Prélude à la correspondance
J’ai rencontré Bernard Fontaine pour la première fois à Saint-Étienne en 2005. En 2010, nous avons vécu en colocation pendant un an à Saint-Denis. Aujourd’hui, Bernard vit à Vienne dans l’Isère tandis que je demeure toujours à Saint-Denis. La distance physique nous séparant n’a point altéré notre amitié.
À la fin du mois de mars 2020, alors que l’épidémie de la COVID-19 avait plongé notre pays dans la peur, l’inquiétude et la paralysie, j’ai proposé à Bernard d’entretenir une correspondance photographique. Notre façon d’opérer devait être simple. Il s’agissait de prendre des photos chaque jour, d’en sélectionner une et de l’envoyer par mail à son correspondant en fin de journée. Il était convenu que chacun prenne connaissance de l’image de l’autre seulement après avoir envoyé la sienne. Ce processus allait se répéter jusqu’à la fin de la période dite de confinement. Précisément, notre échange a commencé le 29 mars et s’est achevé le 11 mai 2020.
Différentes motivations sont à l’origine de notre démarche. Pour ma part, au-delà du goût pour le geste photographique, je ressentais le besoin de faire quelque chose avec mon appareil. Je ne pouvais point appréhender le confinement en intégrant l’idée que le monde extérieur à mon domicile devienne un espace autorisé selon quelques cas bien précis. Malgré la comptabilité macabre livrée mécaniquement par l’Autorité au quotidien, malgré les injonctions permanentes adressées par l’appareil médiatique, malgré mes doutes, j’éprouvais la nécessité de porter véritablement mon regard sur la vie qui m’entourait. Le monde extérieur ne devait pas être une image vue à la télé ni un lieu suggérant la peur, ni le théâtre d’un stress collectif.
Par ailleurs, je souhaitais partager cette expérience en profondeur. Il n’était pas question d’entretenir un journal sur un quelconque réseau social. L’amitié réelle me semblait être le canal idéal pour transmettre et recevoir. Lorsque j’ai invité Bernard Fontaine à la correspondance photographique, il a accepté spontanément et avec enthousiasme. Pour lui aussi, le geste photographique et la confrontation de nos univers respectifs à travers l’échange d’images au quotidien formaient une source de motivation.
Au fil du temps, nous avons éprouvé différentes choses lors de nos promenades en quête d’images. Lorsque notre correspondance s’est achevée, Bernard m’a écrit que cette expérience lui avait permis de se sentir exister dans un monde silencieux. Qui plus est, d’y prendre part.