Je suis de la génération de ceux qui ont découvert le graffiti au début des années 90. Tout d’abord fasciné, j’ai toujours éprouvé un intérêt important pour cette pratique.
Il existe un lien étroit entre cette dernière et la photographie. Fameux, incontournables ou davantage confidentiels, on ne compte plus les livres, les fanzines, les magazines ou les supports numériques traitant du graffiti et montrant celui-ci par la photographie. De nos jours, ne pourrait-on pas considérer ce type d’images en l’inscrivant dans l’histoire selon, notamment, des critères esthétiques bien précis ?[1]
Ceci étant dit, les images que je présente dans cette série montrent des graffitis et diverses expressions plastiques situés dans trois grandes villes méditerranéennes. La majorité provient d’Athènes, quelques unes de Naples, puis de Rome. Si je mets de côté les photos prises dans la capitale italienne (il y en a seulement deux), l’intérêt que j’ai éprouvé en photographiant diverses expressions murales présentes dans ces villes se manifeste en fonction de deux singularités.
Dans un premier temps, à Athènes, j’ai été frappé par la variété de productions visibles dans le quartier d’Exárcheia. Par delà cette profusion, mon attention a été retenue par un ensemble relevant de ce que je nommerais une esthétique de l’émeute. Quartier étudiant, haut lieu historique de l’opposition au gouvernement des colonels, Exárcheia était, lorsque je l’ai visité, un endroit que je n’arrivais pas à identifier clairement. Vaisseau pirate ou bien épave, j’avais du mal à trancher. Bastion d’un communisme moribond ainsi que d’un anarchisme de cours d’immeuble fédérés sous la bannière de l’anticapitalisme et d’un antifascisme importé du nord de l’Europe ; le quartier et son importante implication politique ne pouvaient faire oublier l’assourdissant nihilisme ni l’envahissant parfum opiacée d’une mort lente qui planaient dans l’atmosphère.
Quoi qu’il en soit, cet immense périmètre livré aux expressions les plus variées m’a semblé unique par ce que ces dernières, pour la majeure partie, faisaient corps avec l’esprit du quartier.
Dans un second temps, je me suis penché sur un type particulier de graffitis très présents à Athènes et à Naples. Il s’agit de graffitis exécutés par les groupes d’ultras soutenant les trois grands clubs de football de la capitale grecque ainsi que ceux acquis au club parthénopéen. Omniprésents, parfaitement lisibles, parfois exécutés sans savoir faire, quelques fois très imposants, c’est leur caractères singuliers et leur lien avec des identités locales qui m’ont intéressé.
Dans bien des domaines de l’art, les échanges, les rapprochements, la facilité avec lesquelles les idées et les images circulent ont entrainé une certaine uniformisation. Le graffiti et les différentes expressions artistiques présentes dans les rues des grandes villes de la planète ne sont pas épargnés par ce phénomène. Je trouve que les graffitis des ultras échappent en grande partie à la règle.
[1] L’écriture d’une histoire du graffiti a été entamée. Il est possible de recenser plusieurs ouvrages significatifs à ce sujet. Ceci étant dit, il semblerait que la photographie de graffitis soit absente du champ de l’étude historique.